Nouvelles nationales
Le SDS arrête le Secrétaire général du MRD et deux jeunes membres de la société civile
Le Secrétaire général du MRD, Djama Houssein Robleh, a été illégalement arrêté mercredi 19 juin 2019 à 10 heures par les services spéciaux du pouvoir dénommés Service de documentation et de sécurité (SDS). Il circulait sur la Route de Venise lorsqu’il a été arrêté par des agents en civil repartis entre deux véhicules. Conduit au siège du SDS du Plateau du serpent, la tête recouverte d’un sac, il a subi un long interrogatoire, entrecoupé d’actes de violence physique et psychologique. Puis il a été dépouillé d’une somme d’argent de plus de 100.000 FD qu’il portait sur lui et détenu dans une cellule sordide dont la saleté extrême fait bon ménage avec une chaleur étouffante. Privé d’eau et de nourriture. Ce n’est que le lendemain jeudi à 16 heures qu’il a été relâché et qu’ont cessé ces traitements dégradants et inhumains.
De la même manière, Chehem dit Renard et Samireh Ina Matan, deux jeunes Djiboutiens connus pour leur activisme pro-démocratique, surtout sur les réseaux sociaux, ont été arrêtés par le SDS mercredi 19 juin 2019. Ils ont été détenus et maltraités jusqu’au mardi 25 juin 2019, jour de leur libération.
Ce sont bien entendu des arrestations illégales et extra-judiciaires, c’est-à-dire autant d’atteintes aux droits humains les plus élémentaires de ces démocrates.
Maintien abusif en détention des enseignants détenus depuis le 13 juin 2019
Les enseignants du second degré, arrêtés par la police le 13 juin 2019 et présentés dans la nuit au parquet de la République qui les a placés dans la même nuit sous mandat dépôt à la prison centrale Gabode, restent détenus malgré la mise en liberté provisoire dont ils ont bénéficié lundi 24 juin 2019 de la part de la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Djibouti. C’est le procureur général de la République, un certain Djama Souleiman Ali, qui s’est abusivement opposé à ce qu’ils sortent de prison.
Les enseignants se retrouvent ainsi en détention encore plus illégale depuis lundi 24 juin 2019.
Ces enseignants sont : Oumalkhayr Robleh, professeure de philosophie (enceinte de 8 mois) ; Mohamed Samireh, professeur d’économie ; Abdourazak Ibrahim, professeur de mathématiques ; Youssouf Mohamed, professeur de philosophie ; Moussa Djama, professeur d’histoire/géographie ; Kassim Abdoulkader, professeur de mathématiques ; Abdoul-Mahin Cheik Hassan, professeur d’économie.
Seule Madame Oumalkhayr Robleh Elmi, enceinte de huit mois et accusée de diffamation, reste en liberté provisoire du fait de son état de grossesse.
Toute l’opinion démocratique djiboutienne, qui est largement majoritaire au pays, reste indignée et mobilisée en faveur de ces enseignants.
Dikhil, ville de l’unité, devient celle de la souffrance
La ville de Dikhil, ville cosmopolite qui brasse toutes les composantes de la nation djiboutienne, ce qui lui vaut le qualificatif de ‘’ville de l’unité’’, se meurt. Elle se meurt depuis des années, particulièrement depuis l’arrivée controversée au pouvoir d’un certain Ismaël Omar Guelleh en 1999.
Dikhil est devenu un concentré de tous les méfaits de la mal-gouvernance. Environnement urbain dégradé, chômage, pauvreté, santé défaillante, routes détériorées où la circulation est pénible et risquée, etc.
‘’Cela nous prend parfois plus de 4 heures pour aller de Dikhil à Ali-Sabieh, tellement la route est en mauvais état’’, s’est indigné un Dikhilois au micro de La Voix de Djibouti.
Nouvelles régionales
Éthiopie : Le chef de l’armée, le président de la région amhara et d’autres personnalités assassinées
En Éthiopie, le président de l’État fédéré Amhara, au Nord-ouest du pays, Ambachew Mekonnen, et l’un de ses conseilleurs ont été tués par balles samedi 22 juin 2019 dans l’après-midi à Bahir Dar, capitale régionale, par un commando qui a fait irruption dans une réunion. Le ministre de la justice de la région, Migbaru Kebede, également présent à la réunion où il a été blessé par le commando, a succombé à ses blessures lundi.
Dans l’heure qui a suivi cette attaque de Bahir Dar, c’est le général Seare Mekonnen, chef d’état-major de l’armée éthiopienne, qui a été à son tour assassiné à l’arme à feu en son domicile d’Addis-Abeba par son propre garde du corps qui a également abattu un général à la retraite en visite chez la victime.
Selon la porte-parole du Premier ministre, Billene Seyoum, c’est un commando dirigé par le chef de la sécurité de la région fédérée Amhara, le général Asaminew Tsige, qui a commis l’attaque ayant coûté la vie au président de la région, à son conseiller et au ministre régional de la justice. Elle a ajouté que cette tuerie et le meurtre du chef de l’armée sont liés et qu’il s’agit d’une tentative de coup d’État régional.
Le général Tsige, qui aurait été blessé lors de l’attaque, s’est caché dans la ville après ces événements sanglants. Recherché depuis lors, il a été abattu lundi par l’armée qui l’a repéré alors qu’il essayait de fuir Bahir Dar. Il aurait refusé de se rendre et aurait échangé des coups de feu avec les militaires avant de tomber.
Suite à ces meurtres, le Premier ministre éthiopien, Dr Aby Ahmed Ali, s’est adressé à la nation par voie télévisuelle, en uniforme militaire, appelant les Éthiopiens à l’unité face à la division que cherchent ce qu’il a appelé ‘’les forces maléfiques’’. Il a décrété un deuil national d’un jour lundi 24 juin 2019 en hommage aux victimes des attaques de Bahir Dar et d’Addis-Abeba.
Le général Tsige, cerveau présumé de l’attaque, faisait partie d’un groupe d’officiers de haut rang libérés par le Premier ministre Aby Ahmed de la prison où ils étaient détenus depuis 2008 suite à des accusations de coup d’État.
Selon certaines sources, la réunion de samedi à Bahir Dar portait sur la mise en place de milices ethniques par le chef de la sécurité régionale dans une visée de rébellion armée contre le pouvoir central d’Addis-Abeba.
Depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre réformateur en avril 2018, l’Éthiopie a connu des violences inter-communautaires et des déplacements de populations. Des actes d’insubordination ont été également observés de la part de certains hauts responsables du Nord, particulièrement dans l’Etat fédéré du Tigray.
Ces violences et cette tentative manquée de coup d’État, témoignent de résistances au changement démocratique de la part d’intérêts qui ont prospéré sous les anciens régimes.
Culture : Reedo et Singub, deux immenses pertes, non sans points communs
Dans l’imaginaire collectif afar, mais pas seulement, le nom de Gamal Addin Abdulkader Mohammad Reedo rime avec transcription en alphabet latin de la langue afare. A juste titre, car il est le père de cette transcription qu’il a élaborée avec son ami et ancien ministre djiboutien Ahmed Abdallah Dimis lors de son exil en Somalie dans les années 1970. C’est en 1975 qu’il a achevé l’adaptation de l’alphabet latin pour la transcription de la langue afare, s’inspirant pour ce faire du précédent somalien en la matière.
Reedo était aussi poète, dramaturge, auteur de chansons, conteur et linguiste. Il connaissait la culture afare comme peu le font, y compris sous ses aspects historiques. Et il s’intéressait au dialogue interculturel car il avait compris que rencontrer l’Autre était source d’intercompréhension et d’enrichissement réciproque.
Sans compter ses qualités d’homme d’action, notamment en politique. Il avait même pris les armes pour la cause des Afars en Éthiopie, après une formation militaire en Somalie. Il avait d’ailleurs connu l’exercice du pouvoir mais également la prison où il avait passé dix ans de sa vie.
Il s’est éteint le 21 juin 2019 à Addis-Abeba en Éthiopie, pays où il était né. Il avait autour de 70 ans.
Dans la même ville, s’est éteint, quelques jours plus tôt, le 18 juin 2019, Mahamoud Abdillahi Isse dit Singub, une figure de la langue et de la culture somalies contemporaines. Singub était lui aussi un virtuose de sa langue maternelle, le somali, et de la culture qu’elle véhicule. Très tôt, il s’était distingué par son maniement du somali et par sa créativité. Quittant l’Éthiopie où il était né comme Reedo pour la Somalie nouvellement indépendante, il s’était imposé par son talent dans le paysage culturel somalien et somali. Membre de la célèbre troupe culturelle somalienne Waberi, il avait produit une œuvre à la fois abondante et de haute facture. Comme Reedo, il était poète, dramaturge, auteur de chansons, conteur et un immense connaisseur des ressources de sa culture maternelle. Singub avait probablement croisé Reedo durant l’exil de ce dernier en Somalie.
A la politique, Singub s’intéressait également comme Reedo. Il le faisait en observateur critique et en patriote passionné.
Il avait 75 ans au moment de son décès.
Deux décès à Addis-Abeba, deux immenses pertes. A quelques jours d’intervalle.
Yémen : Un mort et sept blessés suite à une attaque au drone des rebelles houthis contre deux aéroports saoudiens
Selon un communiqué publié par la coalition militaire sous commandement saoudien engagée dans la guerre au Yémen, une attaque des rebelles houthis contre l’aéroport d’Abha en Arabie Saoudite, a fait un mort et sept blessés. La personne morte serait un ressortissant syrien. L’attaque a été menée dimanche 23 juin 2019.
Plus tôt, la chaîne de télévision Al Massirah, qui appartient aux Houthis, avait annoncé qu’un raid aérien mené par des drones houthis, avait frappé les aéroports saoudiens d’Abha et de Djizan.
Depuis un mois, les Houthis multiplient les attaques de drones et les tirs de missiles contre le territoire saoudien.
Ce même dimanche 23 juin 2019, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni ont publié à Washington un communiqué commun pour exprimer leur préoccupation face à la multiplication des bombardements houthis. Ils ont également dit leur inquiétude face aux ‘’dangers que représentent les activités de déstabilisation de l’Iran pour la paix au Yémen et la sécurité dans la région’’ (fin de citation).
Mémoire
La lutte pour l’Indépendance n’a pas commencé en 1975
La lutte pour l’Indépendance n’a pas commencé en 1975 avec la Ligue populaire africaine pour l’Indépendance (LPAI). Elle a débuté dès l’occupation coloniale de la fin du XIXème siècle. Elle a débuté sous la forme d’une résistance à l’occupation au Nord du pays où la colonisation a commencé comme au sud où elle s’est poursuivie. Et de nombreux Djiboutiens, connus et moins connus, ont payé de leur vie cette résistance.
Cette résistance a continué au fil des années et des décennies, peu organisée mais réelle. Elle s’est poursuivie sur plusieurs terrains.
Sur le terrain d’action sociale avec des associations qui œuvraient sous couvert d’activités apolitiques. Elles portaient diverses dénominations. L’une des plus connues était celle dirigée par Ali Bahdon Bouh, un résistant à qui l’on doit aussi l’introduction à Djibouti du fameux laurier et dont le fils Osman Ali Bahdon sera membre du premier gouvernement local de la colonie en 1957. Cette association agissait ouvertement dès 1934 sous l’appellation de Société de bienfaisance somalie.
Sur le terrain éducatif avec la multiplication des écoles coraniques ou madrasas. Dans la capitale comme en province. Cela permettait aux parents citadins d’envoyer leurs enfants à la madrasa où ils étaient initiés au Coran et au triptyque lire-écrire-compter, avant de les inscrire s’ils le voulaient à l’école coloniale.
Sur le terrain culturel et religieux avec une résistance aux tentatives de christianisation et à certains aspects jugés négatifs de la culture du colonisateur tels que la consommation de l’alcool, celle de la viande de porc, ou encore les rapports intimes hors mariage.
Sur le terrain syndical avec la lutte contre les abus des employeurs et la revendication des mêmes droits sociaux qu’en France pour les travailleurs colonisés.
Sur le terrain politique, c’est le célèbre appel de Mahamoud Harbi Farah en août 1958 qui a donné le coup d’envoi à la lutte organisée pour l’indépendance. Celui qui était le premier à occuper la fonction la plus élevée qu’un Djiboutien puisse exercer dans la colonie, à savoir la vice-présidence du Conseil de gouvernement de ce qui était alors dénommé Côte française des Somalis (CFS) par la France, a d’abord appelé à voter NON au maintien du pays dans l’ensemble colonial français lors du référendum du 28 septembre 1958. Puis, après ce vote peu libre et peu transparent qui a maintenu le statu quo colonial, Harbi a lancé la lutte organisée pour l’Indépendance. A l’intérieur du pays avec la fondation du Parti Mouvement populaire (PMP) et à l’extérieur avec la création du Front de libération de la Côte des Somalis (FLCS).
Le PMP, présidé par Moussa Ahmed Idriss, avec le soutien sans faille de Cheik Osman Waiss Ismaël, a été dissout en Septembre 1966 suite aux manifestations indépendantistes historiques des 25 et 26 août 1966 dont il était à l’origine. Ces manifestations étaient organisées à l’occasion de la visite du président français de l’époque, le général Charles De Gaulle, dans la colonie. Aux côtés du PMP, des membres et des figures de l’Union démocratique afare (UDA) telles que Mohamed Ahmed Issa dit Cheiko participaient à l’appel à manifester pour l’indépendance.
C’est le relais du PMP que la LPAI a repris en 1975. La LPAI est née de la fusion de la Ligue populaire africaine (LPA) de Hassan Gouled Aptidon et d’Ahmed Dini Ahmed avec l’Action pour la justice et le progrès (AJP) d’Idriss Farah Abaneh et de Moumin Bahdon Farah. Elle a repris le relai du PMP avec le soutien déterminant de jeunes intellectuels tels que Ibrahim Harbi Farah (frère de Mahamoud) et du FLCS pour accomplir la dernière droite de la longue marche pour l’Indépendance. La LPAI et le FLCS ont également enregistré le ralliement d’une partie de l’Union nationale pour l’Indépendance (UNI) que dirigeait alors Omar Farah Iltireh. Les figures historiques du FLCS étaient, entre autres, Abdillahi Ardeyeh Abaneh, Abdillahi Waberi dit Bochari, Mohamed Dahane Abdallah, Ali Ahmed Oudoum, Aden Robleh Awaleh, Mohamed Hadji Farah dit Djanaleh, Dr Omar Osman Rabeh, Omar Ahmed Youssouf dit Vincent, Omar Elmi Khaireh, Mohamed Osman Houffaneh, ou encore Hassan Gaulis.
Le Front de libération de Djibouti (FLD), basé en Ethiopie et dirigé par Ahmed Bourhan Omar, était trop petit pour avoir de l’impact sur la marche indépendantiste. Quant au Mouvement populaire de libération (MPL), créé par des jeunes du Nord dont Ismaël Ibrahim Houmed, Mohamed Kamil, Hassan Ali Mohamed dit Dalga, le futur Dr Abbatte Ebo Adou, ou encore Mohamed Adoyta Youssouf et son cousin Mohamed Kadamy Youssouf, il était à la fois indépendantiste et opposé à la conduite de la marche pour l’indépendance par des personnalités issues du paysage politique colonial. D’où son choix de la lutte armée après sa dissolution en décembre 1977 par les gouvernants du nouvel État.
Aujourd’hui, après 42 ans d’indépendance sans liberté, l’émancipation nationale passe plus que jamais par la lutte pour la démocratie et l’État de droit.