Ce n’est un secret pour personne, l’autocrate Ismail Omar Guelleh et son entourage (familial ou non) sont insatiables. Ils ne se lassent pas de s’enrichir sans cause, c’est-à-dire à coups de détournements de fonds publics, de trafics d’influence et autres abus de pouvoir.
Ismail Omar Guelleh, ses enfants et son épouse sont ainsi devenus riches, très riches. A qui n’a pas connu Ismail Omar et son épouse Kadra Mahamoud Haid avant l’indépendance du 27 juin 1977, de savoir qu’ils n’avaient rien en dehors de leurs modestes salaires, donne une idée de cet enrichissement illicite. Selon plusieurs sources, Ismail Omar Guelleh n’avait aucun bien immobilier, aucun compte bancaire créditeur. Son petit salaire de policier colonial ne suffisait pas à subvenir à ses besoins. Aussi était-il souvent à court de sous et sollicitait-il proches et autres amis. Son épouse n’était pas mieux lotie avec son petit salaire d’institutrice-adjointe (elle s’était lancée dans la vie active juste après son brevet d’études du premier cycle secondaire ou BEPC). Sans son mariage avec un haut-fonctionnaire, devenu plus tard homme politique, l’ancien premier ministre Abdallah Mohamed Kamil, qui subvenait aux besoins du foyer, Mme Haid aurait probablement, elle aussi, connu des fins de mois difficiles.
Comme vous le savez peut-être, nous avons publié ici une longue liste de biens considérés comme mal acquis par Guelleh et sa famille restreinte. Nous les avons pointés bien par bien.
Nous lui avons demandé ainsi qu’aux siens comment chacun de ces biens avait été acquis. Ils ne nous ont jamais répondu. Un silence lourd de sens. Un silence qui en dit long sur leur embarras. Un silence qui conforte les informations dénonçant l’acquisition illicite de ces biens. De fait, ils ne pouvaient pas prouver qu’ils avaient honnêtement acquis ces biens. Depuis l’indépendance, les revenus légaux d’Ismail Omar Guelleh sont limités à son salaire, devenu indemnité présidentielle depuis qu’il a pris le pouvoir en 1999, et à quelques loyers de logements construits à crédit. Un crédit jamais entièrement remboursé, murmurent certains. Son épouse, non plus, n’a pas gagné plus que son salaire d’instructrice-adjointe puis de bibliothécaire au collège d’enseignement secondaire (CES) de Boulaos à Djibouti-ville, soit le dernier emploi qu’elle a occupé depuis les années 1980. Ce salaire, elle a continué de le toucher sans travailler, et donc illégalement, depuis qu’elle s’est remariée avec Ismail Omar Guelleh au début des années 1980. Est-elle partie à la retraite ? Ou touche-t-elle encore ce salaire ? A elle de répondre.
Parmi les proches d’Ismail Omar Guelleh, figure un certain Ahmed Nour Jimale (Axmed Nuur Jimcaale en langue somalie), ressortissant somalien et homme d’affaires très controversé. C’est le patron de la banque dite islamique Salaam Bank de Djibouti et il n’est pas que banquier, car il opère dans de nombreux autres domaines. Ses activités vont de la finance islamique à la logistique, en passant par la construction. Il est omniprésent dans le secteur privé djiboutien où il est fort de sa grande proximité avec le vieil autocrate en place. C’est ce dernier qui l’a accueilli à Djibouti dans les années 2000 et naturalisé djiboutien.
Nous faisons ce rappel afin que nos lecteurs comprennent mieux le contexte du scandale dont nous rendons compte aujourd’hui, preuve à l’appui. Preuve ? Nous nous sommes procuré une copie du ‘’décret 2023-124/PR/BM portant les exonérations fiscales de la Société Salaam Real Estate pour la construction de Salaam City’’. Par ce décret présidentiel qu’il a signé le 18 mai 2023, le dictateur Ismail Omar Guelleh a accordé, pour quinze ans, toutes sortes d’exonérations fiscales présentes et à venir à cette société en vue d’un projet de promotion immobilière prévu à Nagad, à la périphérie de Djibouti-ville, la capitale djiboutienne. Ce décret fait référence à un arrêté présidentiel, le n°2023-073/PR/BM du 18 avril 2023, ‘’portant attribution à titre onéreux d’une parcelle de terrain au profit de la Société Salaam Real Estate’’ ainsi qu’à une ‘’demande d’agrément présentée par la Société Salaam Real Estate’’.
Alors, commençons par le commencement. La parcelle de terrain en question mesure 240 hectares, soit 2 400 000 mètres-carrés. Elle a été attribuée à la Société Salaam Real Estate au prix de 1000 francs Djibouti le mètre-carré. C’est un prix exceptionnellement bas. C’est un cadeau. Retenez ce qualificatif ‘’exceptionnel’’, il qualifie à tous égards l’affaire dont nous vous rendons compte. L’adjectif est d’ailleurs employé par Ismail Omar Guelleh lui-même dans l’article premier de son décret du 18 mai 2023. 18 avril, 18 mai : pourquoi donc ce chiffre 18 ?
Sans tarder, portons à votre connaissance la teneur du décret en question où sont énumérées les exonérations exceptionnelles accordées par Ismail Omar Guelleh à la Société Salaam Real Estate.
‘’Article 1 : Sont exonérés, à titre exceptionnel, des impôts, droits et taxes les équipements, matériaux et matériels nécessaires importés ou achetés localement par la Société Salaam Real Estate pour la construction du projet ‘’Salaam City’’ dans la zone de Nagad pour une durée de quinze (15) années.
Article 2 : Conformément au code des investissements, au décret n°2013-346 et aux dispositions exceptionnelles du présent décret, les impôts, droits, taxes et redevances exonérés sont :
- la contribution foncière sur les propriétés non-bâties ;
- l’impôt sur les propriétés bâties, les redevances domaniales et taxes sur le permis de construire pour une durée de quinze (15) années à compter de la première année de la réalisation du projet ;
- toutes les taxes intérieures de consommation (TIC) ;
- la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
- les impôts sur les bénéfices professionnels et les bénéfices générés dans tout le projet Salaam City ;
- tous les droits d’enregistrement payables à la direction des impôts ;
- tous les droits dus à la direction des domaines ;
- tous les droits se rattachant au permis de construction et de remblai ;
- le règlement de la taxe de 1,5% sur le permis de construire ainsi que la redevance de 1% sur le contrôle des normes antisismiques auxquelles est subordonnée la délivrance du permis de construire ;
- le paiement de la redevance de 1% reversée à la direction de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat, lors du renouvellement du permis de construire;
- tous les droits de douanes ayant une relation directe ou indirecte avec le projet Salaam City et notamment les droits d’importation de fer à béton (redevances budgétaires de 30%) ;
- droits d’accises applicables au fer à béton et au ciment importés ou produits sur le territoire djiboutien et autres matériaux et matériels ;
- les impôts minimaux forfaitaires ;
- les impôts sur les plus-values ;
- La taxe sur la mise en valeur du terrain ;
- la contribution de la patente calculée pour le montant correspondant au coût des travaux publics ;
- la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe intérieure de consommation et la surtaxe relatives au gasoil ;
- toute nouvelle taxe et tout nouvel impôt et toute nouvelle redevance et tout nouveau droit de douane qui seraient mis en place pendant l’exécution du projet et ou pendant la phase de commercialisation et ou pendant la phase de paiement échelonné des habitations par les acquéreurs bénéficiaires du projet.
Article 3 : La liste des matériaux et matériels destinés à la réalisation du projet suscité à l’article 1 et admis en exonération sur le territoire de la République de Djibouti, devra être approuvée par le ministère de la ville, de l’urbanisme et de l’habitat.
Article 4 : Le ministère du budget et le ministère de la ville, de l’urbanisme et de l’habitat sont chargés chacun en ce qui le concerne, et si nécessaire, tout autre ministère, de l’exécution du présent décret.
Article 5 : Le présent décret prendra effet dès sa signature. Il sera enregistré et exécuté partout où besoin sera.’’
Non, vous n’avez pas rêvé. Non, c’est une réalité que vous lisez, une réalité signée Ismail Omar Guelleh.
Cela vous saute aux yeux, les mesures prises ici en faveur du projet de la Société Salaam Real Estate sont exceptionnelles. Comme nous l’avons mentionné plus haut, Ismail Omar Guelleh le dit explicitement dans l’article 1er du décret en précisant que ce sont des exonérations ‘’à titre exceptionnel’’, ce que leur teneur confirme.
Bien entendu, ces exonérations exorbitantes se font aux dépens des recettes fiscales de l’État. Elles constituent un manque à gagner pour des services vitaux tels que l’éducation et la santé publiques qui en ont pourtant cruellement besoin.
Sans tarder, la question irrépressible : Pourquoi ces exonérations ? C’est une question qui en soulève d’autres. A qui profite le projet ? A la seule Société Salaam Real Estate liée à Salaam Bank ? Ou à d’autres personnes également ? Et lesquelles ? Clairement, pour qu’il bénéficie de tant d’exonérations fiscales exceptionnelles, ce projet immobilier répond à un objectif peu ordinaire. Clairement, la Société Salaam Real Estate n’est pas une entreprise ordinaire promouvant un projet ordinaire. Le traitement fiscal que lui accorde le décret, sans compter le vil prix d’achat du terrain, montre bien que cette affaire sort de l’ordinaire. Or, aucun motif d’intérêt public n’est mis en avant. Il n’est nullement avancé que ce projet a été conçu et conduit à des fins sociales. Il n’est pas affirmé que les logements prévus sont sociaux, réellement sociaux, et que les exonérations visent à les rendre peu chères et d’autant plus accessibles au plus grand nombre. Bref, la Société Salaam Real Estate n’est qu’une entreprise privée puissamment soutenue par l’autocrate Ismail Omar Guelleh et son projet Salaam City une opération commerciale juteuse de construction d’habitations à des conditions défiant toute concurrence pour garantir leur vente à prix très rémunérateur. Un profit maximal se profile à l’horizon pour ses promoteurs réels. Dont Ismail Omar Guelleh et ou sa famille restreinte ?
En bonne logique, le projet profite aussi à l’autocrate et ou à sa famille restreinte. Il n’y pas d’autre explication rationnelle possible. Quel intérêt autre que pécuniaire aurait l’insatiable Ismail Omar Guelleh à exonérer cette opération immobilière ‘’à titre exceptionnel’’ ? A titre si exceptionnel que d’autres entreprises immobilières pourtant proches de lui telles que le Groupe Aoul de Yacin Aouled Farah dit Djib-Clean, Saba Real Estate (de la banque dite islamique Saba), Société Hamdani, Société Dawaleh ou encore Société Al Gamil n’en ont jamais bénéficié.
Au demeurant, nos sources confirment que le vieil autocrate est un bénéficiaire majeur non déclaré du projet, par l’intermédiaire de sa fille Haïbado et de son nouvel époux Sadik John. Ce, en contrepartie des exonérations exceptionnelles qu’il a accordées à l’opération immobilière en abusant du pouvoir d’État. Dit autrement, à travers le décret et l’arrêté qu’il a signés, Ismail Omar Guelleh prive l’État de Djibouti de nombreuses et importantes recettes fiscales qui retombent en grande partie dans ses poches via le bénéfice du projet. Cela porte un nom : trafic d’influence et détournements de fonds. Le montant du manque à gagner pour l’État de Djibouti serait, selon nos informations, des dizaines de milliards de francs Djibouti, soit des centaines de millions de dollars étatsuniens.
Même si c’était un ‘’geste amical’’ en faveur du sieur Ahmed Nour Jimale, ce qui reste à prouver, le scandale ne serait pas moindre ! Scandale ! ! ! A suivre de très près