La ville de Tadjourah, aussi connu sous l’appellation Tadjourah La Blanche, chef-lieu de la région du même nom, a été dotée d’un port. Il comprend notamment trois quais et un terre-plein de 30 hectares. Sa capacité de traitement est estimée à 8 millions de tonnes par an.
Le projet a officiellement coûté quelque 90 millions de dollars. Il été financé par des prêts contractés auprès de deux institutions extérieures : le Fonds arabe de développement économique et social (FADES) et le Fonds saoudien pour le développement (FSD). Sa construction a été confiée à une société chinoise dénommée Bayole Hubei Construction Engineering Group. Selon nos informations, l’attribution de ce marché public par le gouvernement n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres digne de ce nom.

A l’inauguration du Port en date du 15 juin 2017, l’autocrate Ismail Omar Guelleh a prononcé un discours d’autosatisfaction. Il a notamment déclaré que la construction du Port de Tadjourah ‘’reflète notre volonté de ne laisser aucune région à l’écart ni de se passer de sa contribution à la richesse nationale’’. Il a ajouté : ‘’L’impact de ce projet est considérable tant en matière de création d’emplois, avec pas moins de 250 emplois directs générés par le site, que par la création des richesses avec les milliers d’activités connexes attendues’’. Puis il a précisé qu’il s’agit d’un ‘’nouveau maillon essentiel de la diversification de notre offre portuaire’’ et qu’il ‘’constitue une ramification supplémentaire de l’axe Djibouto-Ethiopien qui a vocation, par la densité des volumes des échanges, à être le moteur et la locomotive de notre sous-région’’.
Le nouveau Port devait notamment servir à l’exportation de produits éthiopiens tels que la potasse. Cette dernière est un minerai principalement utilisé pour la production d’engrais. En Ethiopie, le Lac Dallol de la région afare renferme des gisements importants de potasse.

Qu’en est-il huit ans plus tard ? Ces promesses d’emplois et d’activités sont-elles devenues réalité ? Ou tout cela n’était-il qu’une énième annonce autocratique sans lendemain ?
La direction du Port de Tadjourah n’a pas été confiée au meilleur des Tadjourois. Par acte de népotisme, le fils de Hassan Omar Mohamed, ami et ministre de la défense d’Ismail Omar Guelleh, Omar Hassan Omar a été propulsé à la tête de l’institution. Selon nos informations, le fils à papa ne s’est pas illustré et ne s’illustre pas par la qualité de sa gestion.
Quant à la fréquentation suffisante du port par la marine de commerce, ce que le pouvoir a bien fait miroiter à la région, elle ne s’est pas produite. Pas même la potasse éthiopienne n’a afflué. Le corridor routier reliant Tadjourah à l’Éthiopie est ainsi resté bien moins utilisé que prévu. Au demeurant, la population de Tadjourah se plaint de ce que par cet axe routier lui arrivent des marchandises nuisibles. Elle pointe particulièrement du doigt trois produits nocifs : drogue, alcool frelaté et khat. Ce sont les mêmes qu’au sud du pays, les mêmes qu’à Dikhil, à Ali-Sabieh et à Djibouti-ville. ‘’Il ne nous arrive que du négatif par cette route’’, s’indignent les habitants, ajoutant qu’elle ‘’ne leur amène même pas des fruits et des légumes’’.
Résultat, les Tadjourois attendent toujours les grandes retombées économiques promises. En dehors de quelques centaines d’emplois, plus exactement 400 emplois, ils n’ont rien vu venir. Les ‘’milliers d’activités connexes attendues’’ manquent toujours à l’appel. De plus, les employés du port se plaignent d’être moins payés que leurs collègues de Djibouti-ville et de connaître des retards de salaires.
Nos sources indiquent encore que le projet portuaire reste inachevé, car il resterait d’autres quais à construire. Cela soulève la question des fonds publics prévus pour ces travaux. Où sont-ils passés ? Volés aussi ?
Sur un autre plan, les habitants de Tadjourah dénoncent des nuisances liées à l’activité portuaire. La poussière du charbon qui transite par le port à destination d’Éthiopie, enveloppe la ville, l’enlaidit et met en danger la santé des personnes. L’on peut voir des nuages de poussière noire s’élever du port vers la ville, particulièrement en été. ‘’Nous inhalons de la poussière de charbon’’, disent les locaux. Le phénomène est lié à l’absence de mesures efficaces pour rendre non envahissante et non polluante la manutention du charbon au sein du port.
On le voit, la réalité du Port de Tadjourah est à mille lieues de ce que racontait un certain Ismaïl Omar Guelleh le 15 juin 2017.
A suivre.