Le 1er juillet 2025 marque la promulgation à l’Assemblée nationale djiboutienne d’un texte polémique : le Code du numérique. Présenté par le régime d’Ismaïl Omar Guelleh comme une pierre angulaire de la modernité et un moteur de la « Vision 2035 » pour transformer le pays en un « hub numérique régional », ce cadre législatif semble davantage dissimuler des intentions autoritaires. Malgré les affirmations grandiloquentes des autorités concernant une très large consultation s’étendant sur deux ans, la réalité est tout autre : la société civile n’a jamais été véritablement associée à ce processus.

Loin de paver la voie à un accès universel au numérique, ce code s’apparente à un piège. Il exacerbe une fracture sociale déjà palpable et renforce l’emprise d’un régime en place depuis 1999, privilégiant la répression au détriment du bien-être citoyen. Sous le voile d’une modernité digitale, Djibouti semble opter pour l’ombre de la surveillance plutôt que la lumière de l’émancipation.
Un Accès Numérique Coûteux et Restreint
Malgré des investissements colossaux, notamment dans huit câbles sous-marins financés par la Chine, qui positionnent Djibouti comme un carrefour stratégique des flux de données vers l’Éthiopie et les pays voisins, cette façade de prospérité cache une injustice flagrante. En 2024, seuls 65 % des 1,14 million d’habitants ont accès à Internet, laissant près de 400 000 personnes, majoritairement rurales, dans l’isolement numérique.
Le coût d’accès demeure prohibitif : en 2021, 1 Go de données mobiles représentait 10,5 % du revenu national brut par habitant, contre des pourcentages nettement inférieurs au Kenya (2,7 %) et au Rwanda (1,8 %). L’acquisition d’un smartphone basique équivaut à 25 % du salaire mensuel moyen, un obstacle infranchissable pour les plus démunis. La Banque Mondiale (2024) souligne d’ailleurs des infrastructures internes déficientes qui dégradent la qualité de la connexion, à l’opposé des initiatives kényanes visant à inclure les régions marginalisées.
Un Instrument de Contrôle et de Censure
Avec 800 articles, dont 61 infractions liées aux systèmes d’information, ce code apparaît comme un outil de contrôle déguisé. Dès 2019, le régime a commencé à museler les critiques sur les réseaux sociaux, seul refuge d’expression dans un pays dépourvu de presse libre. Ces dispositions légales permettent de réduire au silence opposants et activistes sous le prétexte fallacieux de la cybersécurité, contrastant fortement avec la protection des droits numériques offerte par le Kenya.
Les retombées des investissements numériques à Djibouti profitent principalement aux élites et aux partenaires étrangers, tandis que 35,5 % des citoyens vivent sous le seuil de pauvreté (2024), malgré un PIB par habitant de 3 200 USD (2021). Conçu sans réelle concertation citoyenne, ce code risque d’intensifier la surveillance et la censure. Derrière ses ambitions régionales, Djibouti semble sacrifier les droits de sa population, transformant le numérique en un instrument d’oppression plutôt qu’en un levier de progrès